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Dinna Fash Sassenach - Outlander
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La Main à l'Oreille

Dans la classification internationale, l’autisme est la forme la plus sévère des Troubles Envahissants du Développement.

Il survient au cours des 3 premières années de la vie, parfois dès les premiers mois, d’autres fois après une période plus ou moins longue de développement apparemment normal. Souvent aux alentours de 2 ans.

L’hétérogénéité des troubles rend le diagnostic d’autisme particulièrement complexe et délicat. Pour qu’il soit posé, il faut présenter un certain nombre de symptômes associés :

Autisme 

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Formation pour les professionnels ayant à charge des personnes autistes 

 

Par Valérie Gay-Corajoud  

- Altération des interactions sociales :

 

– Mauvaise appréciation des signaux sociaux et émotionnels. (Par exemple : Intonation de la voix sans modulation, expressions faciales inappropriées, voire inexistantes, des rires ou des pleurs en décalage avec la situation, etc.)

– Difficulté pour interpréter la pensée et le ressenti des autres. Manque d’empathie.

– Tendance à l’isolement. Pas de réponse à l’appel de leur nom, fuite du regard.

Cet isolement n’est pas né d’une envie d’être seul, mais d’une trop grande difficulté à créer des relations. Pour certaines personnes autistes, il est très compliqué de prendre des initiatives afin d’établir un contact.

 

-  Altération qualitative de la communication :

 

Beaucoup d’enfants autistes n’accèdent pas au langage oral, ou alors avec retard et beaucoup de difficultés persistantes.  

Certains y parviennent, mais peuvent s’adresser à l’autre sans attendre de réponses particulières. Dans ce cas, la parole ne sert pas à transmettre une information, mais à se stimuler. Ce sont des mots, des phrases, des sons répétés en boucle. Ce qu’on nomme : des écholalies.

Et même si parfois, le langage est bien utilisé pour communiquer, la personne autiste peut ne pas tenir compte de la manière dont l’interlocuteur va recevoir cette parole. D’une certaine manière elle parle, mais ne nous parle pas. Ce qui importe, c’est dire, et pas forcément d’être entendue. Il est d’ailleurs difficile d’avoir une discussion avec elle sur un autre sujet que ses intérêts restreints. C’est pour ça qu’il est toujours constructif d'échanger avec ces personnes à propos de ce qu’elles aiment en particulier, car cela va mettre en place une habitude de dialogue et leur apprendre à faire attention à celui qui est en face, et in fine, les sortir de cette solitude sclérosante.

·        Caractère restreint, répétitif et stéréotypé du comportement, des intérêts et des activités.

 

– Les intérêts des enfants autistes sont réduits ce qui génère des activités stéréotypées et répétitives.

– Ils peuvent être fascinés par des objets inhabituels (bouts de ficelle, plumes, cailloux…) ou les utiliser de façon inappropriée (faire tourner les roues des petites voitures, aligner les jouets ou les chaussures, feuilleter les pages d’un livre sans les regarder…).

– Ils ont souvent besoin de rituels plus ou moins complexes et supportent mal le changement dans le quotidien.

– Ils ont recours à des stéréotypies : gestes répétitifs (échopraxie) ils se balancent, secouent leurs mains (flapping), énoncent les mêmes phrases (écholalie).

Tout cela a pour but de gérer leurs angoisses et d’évacuer le stress.

– Certaines personnes autistes peuvent également présenter des comportements autoagressifs ou hétéroagressif et avoir recours à des automutilations.

Tous ces comportements sont plus ou moins envahissants et peuvent persister ou au contraire s’atténuer. Ils peuvent être renforcés, ou réapparaître à certaines périodes de la vie. Quoi qu’il en soit, ils sont un signal d’alarme pour signifier un mal-être particulier.

À propos du langage verbal : 

 

– Sur le plan expressif : Leur langage reste très concret, lié au quotidien et à leurs intérêts particuliers.

– Sur le plan réceptif : Ils ont un manque de réaction émotionnelle aux sollicitations verbales ainsi qu’une difficulté d’accès à la compréhension du second degré, du langage imagé, des expressions.

Et même lorsque le langage verbal est acquis, on note une faible synchronisation (c’est-à-dire, une difficulté à s’adapter au langage de l’autre), une absence de réciprocité dans les échanges.

Dans la lignée de ce qui a été évoqué avant, si ce qu’on leur dit n’a pas de rapport avec leur intérêt particulier ou ne répond pas directement à une question liée à leur quotidien, notre parole glisse sur eux, sans créer un désir de communication. On peut estimer qu’ils nous entendent, mais n’écoutent pas. 

 

À propos du langage non verbal : 

 

– Peu de gestes sociaux ("au revoir", "bravo", etc.) et peu de gestes interactifs (tendre la main, pas d’accolade, etc.)

– Peu ou pas d’imitation, et chez les enfants, beaucoup de difficultés dans le jeu du « faire semblant », ce qui rend compliqué bon nombre d’apprentissages.

– Il n’y a pas de gestuelle pour soutenir la communication parlée et les mimiques faciales sont peu expressives.

Les symptômes associés

 

D’autres symptômes sont fréquemment associés à l’autisme sans qu’ils soient nécessairement présents pour valider un diagnostic.

 – Des compétences cognitives particulières : Une mémoire très développée dans certains domaines. Également, de très grandes capacités visuospéciales (c’est-à-dire la faculté de se représenter l’espace en deux ou trois dimensions) ou, à l’inverse, une difficulté à concevoir le monde en trois dimensions.

– Des troubles de la motricité et de la posture : Difficultés de coordination droite-gauche ou haut-bas du corps. Raideur et utilisation de la position pour réguler les émotions. Atteinte de la motricité fine, une certaine hypotonie, de la dyspraxie…

– Des particularités sensorielles caractérisées par une hypo ou une hypersensibilité ou la recherche de stimulations sensorielles souvent inhabituelles (sensibilité à certains sons, odeurs ou textures, coexistant parfois avec une apparente indifférence à d’autres sens).

Il est très important de bien comprendre ce que l’hypersensibilité et l’hyposensibilité peuvent induire de grandes difficultés quotidiennes pour les personnes autistes. Beaucoup ont témoigné de cette difficulté à vivre à travers ces stimulations sensorielles permanentes, comme si aucun filtre n’était présent en eux pour les aider à recevoir l’extérieur. Chaque sortie au milieu de la foule devient chaotique. Ils sont alors littéralement envahis par des sons, des odeurs, des lumières, etc. Ils ne peuvent pas suivre une conversation par exemple, parce que le bruit de fond ne peut être éliminé.

Dans ces situations, toute leur énergie est utilisée pour gérer l’impact de ces sollicitations. Et lorsque ce n’est plus possible pour eux, bien souvent ils s’effondrent. C’est pourquoi il est capital, quand on les accompagne de savoir lire les signaux d’alerte avant-coureurs afin de les soustraire à un stress trop important et ainsi éviter la crise ou l’effondrement.

Cela nous oblige à ne pas nous satisfaire de nos impressions ou de nos sens, mais de toujours avoir conscience que la personne autiste à nos côtés appréhende le monde différemment, et généralement avec bien plus de douleur.

Les troubles associés à l’autisme

 

Il y a également une comorbidité des troubles autistiques, c’est-à-dire des troubles associés, mais qui ne font pas partie spécifiquement du syndrome lui-même.

Ils sont hélas assez fréquents et doivent être recherchés systématiquement.

– Le retard mental plus ou moins sévère (évalué à environ 70 %)

– les déficits sensoriels, auditifs ou visuels sont beaucoup plus importants que dans la population générale.

– L’épilepsie : environ 1/3 des personnes autistes en sont affectées de manière plus ou moins grave.

·       Les causes de l’autisme

 

À ce jour, il n’a pas été trouvé de cause unique à l’autisme et il est fort probable qu’il soit engendré par plusieurs facteurs. C’est pourquoi plusieurs spécialités scientifiques se sont penchées sur le sujet.

 

La neurobiologie 

Les recherches en neurobiologie se basent sur l’étude de la morphologie du cerveau et de son fonctionnement à l’aide de techniques d’imagerie et des mesures biologiques. Elles ont permis de mettre en évidence des variations de morphologie du cerveau des personnes autistes, des différences également de cinétique développementale.

Il a été établi des dysfonctionnements du traitement de l’information grâce aux relevés d’anomalies dans l’activation des différentes zones et circuits cérébraux ainsi que des anomalies biologiques significatives.

 

La génétique 

L’intervention des facteurs génétiques est maintenant reconnue. Il s’agirait d’une transmission multigène complexe. De nombreux gènes ont été détectés à l’aide d’études comparatives. Les résultats ne sont pas suffisamment probants pour établir une généralité.

 

La psychanalyse  

Il parait évident que les particularités perceptives, sensorielles et motrices des personnes autistes entraînent avec elles des troubles dans la constitution du psychisme, notamment concernant l’élaboration de l’image du corps. Ces difficultés provoquent un débordement émotionnel, lui-même responsable de problèmes surajoutés dans le développement et l’organisation des perceptions sensorielles et de la cognition.

La neuropsychologie

 

La neuropsychologie aborde l’autisme par le biais du fonctionnement cognitif. 

Elle prend en compte :

– Le déficit des fonctions exécutives : C’est-à-dire, de l’ensemble des capacités mentales qui permettent à une personne de gérer son comportement, d’initier une action, de la planifier et de l’organiser, d’être flexible face à une tâche ou un évènement.

– La faiblesse de la cohérence centrale, qui est la fonction qui permet de situer une information dans son contexte, d’extraire celles qui sont significatives et de les hiérarchiser. Les personnes autistes privilégieraient le traitement du détail au détriment du tout. Elles établissent moins vite une logique dans ce qu’elles observent. Ce qui rend le monde chaotique pour elles puisque rien n’est lié. C’est pour ça qu’elles cherchent la sécurité dans des actes répétitifs et sont en quête de routines et de structures. Elles ont également des difficultés à transposer ce qu'elles ont appris si le contexte est différent.  

– Le déficit de la « théorie de l’esprit », c’est-à-dire la capacité d’un individu à attribuer des états mentaux à soi-même et à autrui. Cette capacité permet, entre autres, d’interpréter ou de prédire les comportements d’autrui à partir des désirs, croyances, intentions, que l’on peut lui prêter. Elle permet de se représenter les situations sociales, de mentir, d’anticiper les conséquences de ses actes. Cette difficulté expliquerait les troubles de la socialisation, de la communication et de l’imagination.

·   Troubles de la motricité relationnelle :

Parmi les troubles de la motricité relationnelle, il y a, les trouble du tonus, de l’adaptation posturale et de l’orientation dans la relation.

Par exemple, une personne autiste ne nous regardera pas forcément alors qu’elle nous parle. Souvent d’ailleurs, il est plus rassurant pour elles qu’une discussion se fasse côte à côte plutôt que face-à-face.

·  Troubles de la communication non verbale : (expression faciale pauvre, sourire inadapté, trouble du regard, gestuelle inappropriée)
·  Troubles du niveau d’activité ou de l’attention : (agitation, instabilité, apathie, inhibition, trouble de l’attention)
Mouvements particuliers (stéréotypies corporelles, comportements d’autostimulation ou d’apaisement)
·  Troubles perceptivo-moteurs (hyper ou hyposensibilité qui peut générer des difficultés de régulation motrice)
·  Troubles de la motricité globale (démarche particulière, lenteur/précipitation, ruptures dans la gestuelle, maniérisme, mouvements stéréotypés)
·  Troubles de la motricité fine (problèmes de préhension, de coordination, de latéralité, dysgraphie)
Et comme si tout ça ne suffisait pas, vient se rajouter à ces difficultés des

· Troubles de l’élaboration de l’enveloppe corporelle. 

La notion d’enveloppe corporelle est abordée sous différents angles.

Elle est bien sûr ce qui constitue l’apparence d’un élément (et en fait partie). Elle est aussi le contenant, qui donc, accueil un contenu ; une limite entre le dedans et le dehors du corps, mais également une interface d’échange entre le monde intérieur et extérieur. Le toucher est un des sens les plus intimes, les plus sensibles.

LE CORPS

Un enfant qui n’a pas de trouble particulier apprend au cours de son développement qu’il est différent de l’autre. Le processus d’individuation et la construction de l’enveloppe corporelle sont dynamiques, gradués et progressifs. Cette évolution s’appuie sur de multiples facteurs : environnementaux, cognitif, relationnels, neurologiques, affectifs, génétiques, psychiques…

Or chez les enfants autistes, l’enveloppe corporelle normalement contenante et rassurante est déficiente. Ils éprouvent des difficultés à mettre en place le mécanisme de séparation-individuation, qui permet l’accès à un sentiment d’identité individuelle. La limite entre l’intérieur et l’extérieur de leur corps n’est pas totalement intégrée. Ce qui les empêche d’absorber correctement les angoisses qui ont un lien avec l’image du corps, comme l’anéantissement, la dépersonnalisation. La disparition.

Une fois que l’on appréhende cela, on comprend mieux pourquoi les échanges physiologiques avec l’extérieur sont pernicieux et menaçants vis-à-vis de leur intégrité corporelle.

À partir du moment où l’intérieur et l’extérieur ne sont pas franchement délimités, à tout moment ils peuvent se perdre, se déverser. S'il n’y a pas de limite entre eux et l’autre, qu’est-ce qui les empêche de disparaître en l’autre ou à l'autre de déborder en eux ?

Cela génère, sur le plan psychopathologique, des angoisses archaïques (de morcellement, d’anéantissement…), un manque de distinction entre le soi et le non — soi, une rupture avec la réalité, un trouble de l’investissement de l’espace et du temps.

On peut facilement déduire que cette carence est à la source de bien des comportements d’évitement et de tout ce qui leur permet de se retrouver en eux-mêmes et de se rassurer.

D’autant que vient se rajouter à cela, des particularités sensorielles qui ne les aident pas à aborder le monde sereinement.

Pour une personne non autiste, le traitement des flux sensoriels est géré par un système lemniscal, c’est-à-dire par des sensibilités à la fois épicritique (qui est la sensibilité du tact fin) et proprioceptive (c’est-à-dire la conscience de la position de son corps à travers l’espace). Ce système lemniscal permet de véhiculer de nombreuses informations sur le contact, la texture, la forme, la chaleur… donc sur les aspects sensoriels de manière qualitative, mais également quantitative. On a par conséquent conscience de la force, de la durée, de l’intensité des stimuli extérieurs, on peut les appréhender entièrement et se positionner de manière à les recevoir.

Les autistes quant à eux privilégient le traitement des flux sensoriels par des systèmes plus archaïques, qui ne traitent que les aspects qualitatifs des stimulations et non quantitatifs. C’est pourquoi ils ont tant de mal à réguler les flux sensoriels de manière appropriée pour s’adapter au monde extérieur. C’est donc ce qu’on nomme l’hyper ou l’hyposensibilité somatiques.

Exemple : l’hyperréactivité se manifeste comme une intolérance à certaines textures, à certaines odeurs, ce qui génère des angoisses liées à une forme d’envahissement. À l’inverse, l’hyporéactivité se caractérise par une insensibilité à la douleur, ce qui peut entraîner des automutilations, ou tout au moins des recherches de pressions profondes par exemple.

Les autostimulations permettent, soit de se protéger du bombardement sensoriel, auquel l’autiste est soumis en permanence s’il est hypersensible, soit au contraire, de se procurer davantage de stimulations s’il est hyposensible, afin de redessiner son corps absent.

L’autostimulation apparaît donc comme un moyen d’établir la réalité de son corps et contribue à l’organisation du schéma corporel.

L’automutilation peut être considérée comme une autostimulation paroxystique. La personne autiste peut y avoir recourt quand les stimulations sensorielles sont si pauvres qu’elle en vient à disparaître. Ou à l’inverse, elle lui sert à s'échapper d'un trop grand apport de stimulations extérieur en permettant de se focaliser sur la partie du corps qui est maltraitée.

 

LES CONSEQUENCES PSYCHO-AFFECTIVES

·        La cécité contextuelle

Reconnaître, et nommer ce que nous observons, va bien au-delà du processus passif qui consiste à recevoir des stimuli via nos sens (rétines, tympans, papilles gustatives, etc.). L’observation, c’est un mécanisme dans lequel nous construisons activement une signification à ce que nous voyons en fonction du contexte. C’est donc le contexte qui détermine si la signification que nous avons attribuée aux diverses sollicitations a du sens.

C’est dire si la perception de ce qui nous vient de l’extérieur est complexe et demande un certain talent inné de compréhension d’un tout organisé.

Ce monde, avec ses différentes significations en constante évolution, est très confus pour les personnes autistes. Elles ont du mal à tenir compte de la situation pour donner un sens à ce qu’elles perçoivent. C’est pourquoi, bien souvent, elles traduisent les choses de manière erronée et c’est aussi pourquoi elles préfèrent s’attacher au détail, qui sera plus simple à percevoir et à assimiler.

 

Il existe deux types de contexte :  observable et non observable.

 

– Le contexte observable est la situation donnée, tout ce qui est visible, audible ou palpable et qui influence la signification d’une observation spécifique.

Une main levée dans le contexte d’un homme en uniforme portant un képi à un carrefour n’a pas la même signification qu’une main levée d’un élève dans une classe.

 

– Le contexte non observable est tout ce que vous devez imaginer dans une situation spécifique : le contexte qui n’est pas donné, mais que vous devez ajouter à l’observation, en mettant par exemple votre mémoire à contribution : La main levée d’une personne qui vous a déjà giflé plusieurs fois aura une signification très différente de la main levée d’une personne qui vous a caressé la joue.

Les personnes autistes éprouvent de la difficulté avec les deux types de contexte, mais surtout avec le contexte non observable en raison de leur imagination défaillante. Les significations factuelles et littérales leur conviennent bien quand les choses sont ce qu’elles sont, s’imaginer ce qu’elles pourraient être, leur pose davantage problème.

La cécité contextuelle engendre également des difficultés dans les rapports avec autrui.

En effet, donner une signification aux comportements humains nécessite une prise en compte importante du contexte. Ainsi, une larme exprime parfois la tristesse, parfois la douleur, parfois la joie et même parfois, que l’on prépare de la soupe à l’oignon.

Pour comprendre le comportement des autres, ces personnes doivent aller au-delà des détails concrets et visibles. Pour un cerveau qui comprend de manière littérale, une larme n’est rien de plus qu’une goutte d’eau. Pour comprendre ce que signifie cette goutte d’eau, nous devons tenir compte du contexte : le reste du visage (un sourire ou une moue triste ?), le son (un rire ou des pleurs ?) et de nombreux autres éléments (une blessure ou des pelures d’oignon ?).

Que veut dire une main levée ? Un salut, l’ordre de s’arrêter, une question ou parce qu’on a des fourmis au bout des doigts ? Le comportement d’une même personne peut avoir une foule de significations différentes. Deviner celle qui est la bonne suppose une capacité à tenir compte du contexte. Du coup, lorsque cette capacité est déficiente ou même absente, cela relève de l’impossible ou tout au moins est très compliqué.

Ce qui complique encore la compréhension du comportement humain, c’est qu’il ne faut pas uniquement tenir compte du contexte explicite et observable ou même non observable (comme les pelures d’oignon, un sourire, ce que nous entendons dire par la personne), mais aussi du contexte implicite : l’intérieur de l’individu (ses sentiments, ses idées, ses attentes). Tenir compte de ce contexte implicite nécessite de l’imagination, la capacité de voir des éléments invisibles, d’entendre des choses inaudibles. Cette imagination fait en grande partie défaut aux personnes autistes et c’est pour cette raison qu’il est si difficile pour elles, par exemple, d’imaginer la tristesse ou le bonheur en regardant les larmes d’un autre couler.
La théorie de l’esprit, la capacité d’attribuer à soi-même ou à d’autres des états d’esprit, exige donc une sensibilité au contexte et de l’imagination. La cécité contextuelle n’est rien d’autre qu’une forme de cécité mentale (ne pas voir ce qui se passe dans l’esprit d’autrui).

Le contexte joue également un rôle important dans la communication orale. La signification de ce que disent les individus dépend du contexte.

S’il pleut des cordes depuis des jours et que quelqu’un dit : « quel beau temps aujourd’hui ! », la personne autiste ne pourra pas saisir le ton ironique et, prenant la phrase au pied de la lettre, la trouvera absurde.

En matière de communication, les personnes autistes ont non seulement des problèmes avec ce qui est dit, mais, et surtout, avec ce qui n’est pas dit.

Ce qui n’est pas dit, mais suggéré est le contexte implicite que nous ajoutons à ce que nous observons, grâce à notre imagination.

Dans cette phrase, par exemple : « Leen a ouvert la porte et a vu que Jumper n’était plus dans sa cage. Elle s’est mise à courir en pleurant chez sa maman, qui lui a dit qu’il n’avait pas pu voler bien loin, et qu’il allait revenir ».

Bien que ça ne soit pas mentionné explicitement, nous comprenons que Leen est enfant (et pas adulte), une petite fille (et pas un garçon), que Jumper est un oiseau (et pas un chat), que Leen est triste (et non joyeuse) et que revenir signifie revenir dans sa cage (et pas revenir en France). Nous connaissons ces éléments parce que nous avons ajouté des informations à ce qui était écrit au sens littéral. Notre imagination et notre logique nous a permis de construire un contexte, un tout cohérent qui n’était pas donné, autour cette phrase.

La communication est une donnée complexe. Nous devons aller au-delà de la simple compréhension des mots ou des phrases, nous devons aussi comprendre l’univers (social) et les intentions qui se cachent derrière les mots. Sans ce contexte, la communication est souvent incompréhensible, confuse et même parfois angoissante.

Et c’est bien souvent ce que vivent les personnes autistes et qui les fait s’en tenir à des sujets qu’elles maîtrisent parfaitement. 

·Comportements particuliers aux intérêts restreints

 

Si on se concentre sur le comportement des personnes autistes, on le trouvera probablement étrange, mais si on essaye de comprendre l’autisme de l’intérieur, alors on remarquera que derrière ces comportements se cache souvent une recherche de sens. Un sens qui, pour nous, est accessible automatiquement mais qui leur demande beaucoup d’effort.  Souvent, derrière ce comportement, la personne autiste se protège d’un excès de significations, comme c’est le cas lors des situations sociales trop compliquées.

 

Comme on l’a déjà remarqué, la personne autiste a donc du mal à sélectionner les éléments les plus importants dans l’information qu’elle reçoit, elle ne hiérarchise pas. Pour elle, le petit détail peut être aussi important que la donnée fondamentale, et c’est pour ça qu’elle développe des comportements stéréotypés et restreints qui deviennent de plus en plus inappropriés au fur et à mesure que l’information gagne en complexité, comme c’est le cas dans la communication et les interactions sociales.

 

Nous-même, nous ordonnons intellectuellement le monde par le biais de concepts. Ceux-ci sont des représentations mentales d’une idée, d’objets ou de situations qui ont un ensemble de caractéristiques communes.  Nous avons, par exemple, une représentation mentale du concept « chaise ». Nous reconnaissons directement une chaise en tant que chaise, même si elle se différencie des autres par son design, ses matériaux ou sa couleur. Nous n’avons pas besoin de faire un effort en entrant dans une pièce pour donner une fonction aux objets qui nous entourent quand bien même ces objets seraient différents de ceux qui nous chez nous !

Pour une personne autiste, ce n’est pas aussi simple ! Pour peu, par exemple que le porte-manteau soit dans le vestibule alors que chez elle il est dans la pièce principale, tout à coup ce n’est plus le même objet !

Autrement dit, les personnes ordinaires acquièrent les concepts leur permettant de fonctionner automatiquement dans un monde complexe et s’adapteront aux situations diverses sans aucun problème. Alors qu’une personne qui a des difficultés à développer des concepts tentera d’ordonner le monde en fonction de ce qu’elle voit et sans faire de lien avec des concepts déjà connus.

Cela explique bien sûr les intérêts limités et les comportements stéréotypés des personnes autistes. Les routines permettant de limiter les situation complexes à traduire.

Beaucoup des comportements particuliers des personnes autistes prennent naissance dans l’angoisse de ce qu’elles ne maîtrisent pas. L’impression de ne pas contrôler leur vie, de ne pas savoir ce qui va se passer, combien de temps cela va durer, leur donne un sentiment que leur vie dépend du hasard et cela peut générer de fortes angoisses, voire de la panique.

Beaucoup d’entre elles ressassent les mêmes sujets et posent les mêmes questions pour lesquelles elles ont déjà la réponse afin de, justement, reprendre la main sur cette vie qui leur échappe. De la même manière, certaines personnes autistes tentent de créer de la sécurité en faisant des choses dont l’effet est prévisible : allumer et éteindre la lumière, faire rouler des billes des heures durant, etc. Cela leur procure un réconfort dans un monde trop compliqué pour elles.

 

Il serait tentant, lorsqu’on est à leurs côtés, de demander aux personnes autistes de passer à autre chose, d’évoluer en sommes. On pourrait être tenté de croire que ce ressassement les maintient à l’arrêt, les empêchant d’évoluer ! Mais c’est tout l’inverse en vérité. C’est grâce à ces rituels rassurants qu’ils peuvent gérer l’angoisse du nouveau et de l’imprévu et ainsi, petit à petit, grignoter cette peur de l’imprévu et agrandir le monde dans lequel ils évoluent. Cela prend juste un peu plus de temps. Il faut l’accepter.

Dans « Moi, l’enfant autiste », Sean Baron raconte que, lorsqu’il était jeune, il désirait sans cesse parler des États-Unis d’Amérique parce qu’il en connaissait long à ce sujet. Il ne le faisait pas (ou pas seulement) pour impressionner ses interlocuteurs, mais plutôt pour les empêcher de poser des questions qui auraient pu le mettre dans l’embarras. Son bavardage stéréotypé et répétitif était une manière de se protéger contre l’environnement.

Nous-mêmes, ne répétons-nous pas volontiers aux autres ce que nous pensons bien connaître ? Il en va de même pour la personne autiste.

Alors, si celle-ci a une déficience intellectuelle, son répertoire de comportements et d’intérêts sera souvent limité. Faire tourner des roulettes, agiter une ficelle.

Si elle n’a pas de déficience intellectuelle, ce sera les horaires des trains de sa région, la cartographie d’un pays, l’histoire des châteaux de France…

Parler de ce qu’elles connaissent leur fera éviter les mauvaises surprises.

Quand nous sommes épuisés ou tristes, nous réduisons notre vie à sa plus simple expression afin de nous préserver. Les personnes autistes font de même pour réduire le stress de leur vie.

Les diverses stimulations sociales auxquelles elles sont confrontées les épuisent et bien souvent les amènent à avoir une vision négative d’elles-mêmes. Revenir à des comportements qui leur sont familiers leur permet de s’apaiser et de se retrouver en elles-mêmes et d’avoir un peu plus confiance en elles, ce qui n’est pas du luxe, vu les nombreuses difficultés et douleurs auxquelles elles sont quotidiennement confrontées.

 

Pour les mêmes raisons, liées au besoin de contrôler les choses, les personnes autistes ont souvent besoin de faire les choses dans un ordre précis.

Si nous les interrompons lors de ce processus, cela est particulièrement douloureux pour elles et elles éprouveront le besoin de reprendre l’acte à son début plutôt que de le continuer à partir du moment où elles ont dû s’arrêter.

Il n’est pas non plus question de laisser les personnes autistes tourner en rond dans leurs rituels. Ce n’est pas le propos de cet exposé. À l’inverse ! Si nous respectons ce besoin important, et dont nous comprenons maintenant la source, de se rassurer et de se réapproprier sa vie, son corps, ses sensations… alors, la nouveauté peut être reçue, avec parcimonie, au bon moment, et dans le respect absolu des diverses fragilités de la personne. Mais si la personne autiste sent qu’à tout moment, elle a le droit de retrouver les sensations qui la rassurent, alors elle sera forcément plus encline à nous accompagner, ou à se laisser accompagner, vers le chemin de la nouveauté, et donc de l’apprentissage.

·        La communication

 

Très tôt dans leur développement les enfants ordinaires montrent une réciprocité. Tout d’abord via le regard, les sourires, puis, vers 8 mois, les bébés commencent à pointer des choses. Aux alentours de la première année, ils peuvent donc déjà communiquer sans pour autant parler, bien que ce soit à ce moment que les mots commencent à émerger. Et c’est donc après avoir pratiqué pendant des mois une communication non verbale qu’ils découvrent la communication verbale où on ne voit pas les mots, qui en plus d’être éphémères ouvrent bon nombre de possibilités.

La difficulté majeure pour les personnes autistes n’est donc pas l’absence de parole, mais le développement difficile de leur communication. Elles ont les mots, mais les utilisent souvent sans en comprendre la signification exacte. Ce qui est, par exemple, le cas dans l’écholalie où l’enfant répète mot pour mot, comme un perroquet, ce qu’il a entendu sans en connaître la signification.

 

Donc, à l’inverse des enfants qui ont un développement ordinaire, les enfants autistes sont confrontés très vite à certaines difficultés.

Des parents se font du souci parce que leur bébé pleure souvent et semble inconsolable. D’autres déclarent que c’est à peine si leur nourrisson établit un contact visuel et qu’il rit uniquement quand il voit la lumière sur le plafond.

D’autres bébés encore paraissent anormalement calmes, pleurent à peine et semblent toujours contents. Le fait de ne pouvoir indiquer quand quelque chose ne va pas, et de ne pas pleurer quand on a faim, ou que le lange est souillé peut indiquer un problème de communication. Beaucoup de parents pensent tout d’abord que leur enfant est sourd.

 Les enfants ordinaires sentent intuitivement que leur maman viendra les consoler s’ils pleurent. Les enfants autistes ne découvrent pas toujours par eux-mêmes qu’ils peuvent influer sur leur entourage grâce à la communication.

 

C’est donc pour toutes ces raisons que nous devons nous employer à leur faciliter cette communication en la rendant la plus lisible possible, la plus visuelle possible.

À l’inverse du langage oral, le langage visuel lui, est beaucoup plus facile à comprendre pour les personnes autistes, qui sont souvent des penseurs visuels. Pour certaines personnes autistes, l’écrit est plus clair que le langage verbal. Ainsi, Temple Grandin expliquait qu’elle comprenait pour la première fois ce que les mots signifiaient quand elle les voyait imprimés. Avant cela, elle pensait qu’il s’agissait simplement de sons comme d’autres.

 

Toujours à cause de cette cécité contextuelle dont nous avons déjà vu à quel point elle rend la vie des personnes autistes compliquée, les autistes se perdent parfois dans associations concrètes hors sens.

Par exemple, lorsque Jean a mal, il dit : « Il n’a pas vu la marche ». Ce sont les mots qu’il a entendu dire par son père lorsqu’il est tombé dans l’escalier. Il lie la douleur qu’il ressent à ces mots et les répète quand il ne se sent pas bien. C’est très typique chez les enfants autistes : ils font souvent des associations concrètes et leur donnent ainsi leur propre signification. L’entourage direct comprend ce langage particulier et s’y adapte, mais bien sûr, pour celui qui ne connaît pas l’enfant, ces réflexions hors contextes sont très surprenantes.

 

Donc, même lorsqu’elles ont un bon niveau intellectuel, certaines personnes autistes éprouvent souvent des difficultés avec la diversité du langage. Elles peuvent difficilement l’adapter à différents contextes sociaux et continuent d’avoir des problèmes avec l’utilisation du langage figuré (par exemple avec les expressions « la nuit tombe », « avoir mangé du lion » « couper la parole »). Même pour celles qui manient habilement la grammaire, le langage pose des problèmes pragmatiques (d’adaptation au contexte) et sémantiques (de signification).

 

Pour autant, le problème le plus important chez les personnes autistes n’est pas le comment, mais bien le pourquoi de la communication. Nous communiquons pour refuser, pour demander des choses, des informations ou de l’attention, pour donner un commentaire ou une information ou pour parler de nos sentiments. Notre communication a une fonction déterminée.

Pour ces personnes, qui peuvent aussi être très verbales, ces fonctions posent un problème. Elles ont par exemple appris à nommer toutes sortes d’images, ont un vocabulaire riche, mais ne savent qu’en faire. Elles peuvent voir l’image d’une pomme et dire « pomme », mais ne savent pas comment demander une pomme. Ça peut nous paraitre incroyable ! Mais encore une fois, ce qui est simple et évident pour nous leur demande un vrai travail d’intellectualisation et de regroupement de données qu’elles ne relient pas au contexte présent.

 

Dans un environnement où l’autisme n’est pas bien compris, on pense vite que ces personnes ne « veulent' pas, alors qu’ils ne “peuvent' pas. C’est important, lorsqu’on comprend cette difficulté particulière, ou au minimum, qu’on en prenne conscience d’avoir toujours à l’esprit ce travail épuisant de chaque instant que doit fournir la personne autiste afin de communiquer.

Il y a souvent un monde de différence entre théorie et réalité. Lors d’un cours de compétences sociales, les participants peuvent comprendre l’explication théorique, mais dans la pratique, cela peut encore mal se passer. Comment se fait-il que ça ne marche pas dans la vraie vie ?

Avant tout, les personnes autistes ne semblent pas toujours porter leur attention spontanément sur ce qui est important sur le plan social et émotionnel. On l’a vu tout à l’heure, elles ont du mal à hiérarchiser les différentes informations. Elles remarqueront que vous portez une autre paire de lunettes, mais ne verront probablement pas que vous n’êtes pas très heureux aujourd’hui.

C’est pourquoi souvent il leur faut l’encouragement d’un tiers, ou une suggestion extérieure pour réagir à une situation donnée, et ce, de la bonne manière.

 

Et pour en finir avec ce souci supplémentaire, l’empathie dans les sentiments, il faut préciser également que les autistes ont besoin d’un temps de réflexion assez conséquent pour se mettre à la place de quelqu’un d’autre. Dans la vraie vie, ce temps de réflexion n’existe pas. La vie n’est pas une bande vidéo qu’on peut mettre sur pause pour aller chercher quelque chose dans son encyclopédie des scénarios ou dans son dictionnaire des expressions du visage.

 

En conclusion, le manque de capacité d’empathie ne doit pas être ramené à un déficit cognitif, à un manque de connaissances. La plupart de ces personnes autistes connaissent bien des termes émotionnels et disposent d’une vaste collection de scénarios. Les connaissances théoriques ne leur font pas défaut.

Ce qui est difficile donc, c’est quand, comment et pourquoi.

 

Et bien sûr, l’une des conséquences de cette difficulté particulière est L’incapacité à consoler

L’empathie, c’est plus qu’une simple prise de perspective de l’autre. Elle se caractérise aussi par une réaction émotionnelle adaptée :

– je reconnais (spontanément !) ton expression triste du visage ;

– je peux prendre part à ton chagrin et je compatis avec toi ;

– je réagis : je vais te consoler.

Les deux premières étapes sont, bien entendu, une condition essentielle à une réaction adaptée. Si vous ne reconnaissez les expressions faciales, si vous n’avez aucune conscience du monde intérieur d’autrui, il vous est alors impossible de consoler quelqu’un. La reconnaissance des émotions et la prise de perspective sont des conditions nécessaires, mais elles ne suffisent pas. Pour manifester une réelle empathie, il faut également agir.

Et finalement, même lorsque la personne autiste en vient à comprendre la tristesse ou l’embarras d’une personne et qu’elle est en capacité d’agir, elle tentera de proposer des solutions souvent peu sociales, mais plutôt purement logiques, matérielles et concrètes. Puisqu’elle ne peut comprendre la complexité des émotions de l’autre, au moins peut-elle tenter de résoudre concrètement leur problème.

Il est important dans ce cas-là de la remercier vivement, car ce serait injuste de nier l’importance de cette proposition et tout ce qu’elle implique d’effort de compassion de sa part.

À nous pour le coup, de faire preuve d’empathie.

·        L’imagination et les jeux

 

C’est dans le comportement du jeu que l’on peut observer le mieux l’entièreté du spectre autistique, chez les enfants en tous les cas.

Les enfants autistes ne jouent pas comme les autres enfants. Cependant, on ne peut pas non plus parler de comportement typique du jeu propre à l’autisme, car certains d’entre eux n’ont aucune fantaisie ou imagination alors que d’autres jouent un rôle (un prince par exemple) dont ils ont du mal à se défaire. Et bien sûr, toutes les variations possibles entre ces deux extrêmes.

Pour pouvoir jouer normalement avec d’autres enfants, il faut être apte à communiquer et comprendre la majeure partie des règles abstraites du comportement social. L’imagination en cela est capitale, car elle permet d’imiter la réalité. Or, les personnes autistes ont une capacité d’imagination différente et ont des difficultés à donner du sens à ce qui ne vient pas d’elles. Pour elles, jouer avec d’autres enfants est bien plus difficile que jouer seul.

Les enfants sans difficulté peuvent être très imprévisibles aux yeux des enfants autistes. Ils génèrent un monde chaotique ! Très anxiogène ! C’est pourquoi ils tentent de mettre de l’ordre dans ce dédale de stimuli. Ils voudront, par exemple, que les objets aient une place fixe : les chaises bien rangées sous la table, le petit tapis bien aligné, les jouets à leur place dans les bacs. Ça devient vite obsessionnel pour eux et ça participe évidemment à les tenir à l’écart des autres enfants.

 

C’est bien souvent durant la phase de développement du jeu symbolique ou du « faire semblant » que les difficultés des enfants autistes apparaissent. Ils éprouvent parfois de grandes difficultés pour distinguer la fantaisie de la réalité, ils croient littéralement ce qu’ils entendent dans les contes ou imitent ce qu’ils ont vu dans des films.

Ce qui complique la compréhension pour les personnes qui vivent à leurs côtés, c’est que certains d’entre eux ont un véritable don d’imitation. Ils imitent le jeu des autres enfants jusque dans les moindres détails et peuvent donner l’illusion de s’intégrer au jeu alors que pour eux, tout est dénué de sens.

Ils peuvent également imiter une personne à la perfection, donnant à penser qu’ils comprennent le sens de ce qu’ils racontent. Lorsque cela s’additionne à une mémoire très performante, les personnes autistes peuvent tromper leur monde. Les personnes alentour peuvent alors se méprendre sur leurs réelles capacités et attendre d’eux des aptitudes qu’ils n’ont pas. Cela donne souvent lieu à des malentendus douloureux et qui peuvent être très dommageables.

Certains enfants autistes jouent, mais avec des jeux techniques qui ne demandent pas d’imagination. Des légos techniques par exemple qui permettent de suivre le plan dans les moindres détails. D’autres vont lire des livres sur les planètes ou les dinosaures jusqu’à connaître parfaitement le sujet ce qui leur permettra de se rassurer. Ce sont des livres qui détaillent un sujet particulier, sous tous les angles et qui ne demande pas à l’enfant une imagination particulière. À l’inverse même, cette approche technique est rassurante et permet à l’enfant de se structurer à l’intérieur de ce savoir.

Et si on rapproche de ce dont on a parlé tout à l’heure, à savoir les rituels et les intérêts restreints, on ferme la boucle et on comprend mieux comment s’organise le monde intérieur des personnes autistes.

 

·        Les sentiments

 

Comme on l’a vu précédemment, l’une des problématiques de l’autisme, c’est la difficulté de communication. La communication des sentiments ne fait donc pas exception à la règle ! Bien souvent, seuls les proches de la personne autiste parviennent à comprendre les émotions exprimées par elle. Pour les étrangers, cela est souvent confus, voire incompréhensible.

Car les personnes autistes expriment souvent leurs sentiments de manière extrême. Elles ont soit des accès de fou rire, soit des réactions de panique ou des accès de colère importants. Les changements d’humeurs sont également caractéristiques. Un fou rire peut très bien suivre en quelques minutes à peine une terrible crise de colère. C’est comme s’il n’y avait pas de frein dans l’expression de leurs sentiments.

Les autistes ont du mal à percevoir et comprendre les informations émotionnelles, que ce soit celle de l’autre, mais également les leurs.

Comme on l’a vu précédemment, c’est parce qu’elles ont du mal à prendre de la distance face aux nombreux stimuli, à les traiter dans leur ensemble et en fonction du contexte. Or, cette distance est nécessaire pour relativiser les choses : relier les éléments entre eux, c’est relativiser.

Les personnes autistes sont trop absorbées par ce qu’elles vivent, mais aussi par leurs propres sentiments pour parvenir à relativiser. Si elles sont fâchées, elles sont vraiment fâchées. Elles sont accaparées par ce sentient absolu et restent aveugles aux autres éléments de leur entourage, qui auraient pu les aider à situer ce qu’elles ressentent dans un contexte plus large.

C’est pourquoi parfois, incapables de contrôler des sentiments envahissants, elles peuvent en arriver à une expression explosive.

De plus, à l’inverse d’une personne sans difficulté, la personne autiste n’a pas toujours conscience de se faire remarquer. Elle n’a pas cette motivation sociale qui nous fait prendre sur nous afin de ne pas choquer notre entourage ou de ne pas être mal jugé.

Leur manque d’imagination ne leur permet pas de se mettre à la place de ceux qui les entourent et ne peuvent donc moduler leur attitude en fonction de ce l’autre pense d’eux.

D’une autre manière, il arrive parfois que, absorbée par la tâche intellectuelle qui consiste à tenter de comprendre la situation présente, la personne autiste ne puisse pas, dans un même temps, traiter l’aspect émotionnel de cette situation. Ce qui donne parfois l’impression qu’elle ne ressent rien. Bien souvent, l’émotion s’exprime par la suite et ce décalage, là encore, est source de bien des malentendus.

 

N’ayant pas conscience du regard de l’autre, la personne autiste n’est donc pas dans la comédie ni dans le chantage affectif. D’une certaine manière, ses difficultés d’adaptation en font une personne foncièrement honnête.

Si elle n’aime pas le cadeau qu’on vient de lui offrir, elle le dira sans ambages. Cela n’aura pas de sens pour elle de faire croire qu’elle l’a aimé afin de ne pas blesser la personne qui a fait ce cadeau.

 

– L’empathie dans les sentiments

 

Qu’est-ce que l’empathie ?

Du latin in, dans, à l’intérieur et du grec, pathos, ce qu’on éprouve, souffrance.

En psychologie, l’empathie est la capacité de ressentir les émotions, les sentiments, les expériences d’une autre personne, ou de se mettre à sa place.

L’empathie est la capacité à comprendre les sentiments des autres sans les vivre soi-même. Pour cela, il faut :

– pouvoir adopter la perspective et le point de vue des autres ;

– prendre part et comprendre leurs états d’âme ;

– pouvoir réagir de manière émotionnellement adaptée.

 

Cette attitude nécessite un effort de compréhension intellectuelle d’autrui. Et surtout, elle exclut toute confusion entre soi et l’autre. Tout mouvement affectif personnel ainsi que tout jugement moral. En effet, et il est important de le souligner, l’empathie n’implique pas de partager les sentiments ou les émotions de l’autre, ni de prendre position par rapport à l’autre, contrairement à la sympathie, ou à l’antipathie.

 

Ces exigences sont plus difficiles pour les personnes autistes que pour les autres.

Tout d’abord, elles ne reconnaissent pas suffisamment les expressions émotionnelles des autres. Elles perçoivent moins le visage comme un ensemble et associent souvent les émotions aux détails de l’expression émotionnelle. Si vous reconnaissez la colère seulement quand le détail ‘moustache' est présent, vous ne voyez pas que votre maman est fâchée, car elle n’a évidemment pas de moustache. Si vous ne voyez pas cela, alors, vous ne pouvez pas vous mettre dans la peau de votre maman et il vous est donc impossible de faire preuve d’empathie envers elle lorsqu’elle est en colère. De même, vous pouvez difficilement consoler quelqu’un si vous ne reconnaissez pas sa tristesse.

Il arrive parfois qu’une personne autiste manifeste bel et bien de la compassion (elle reconnaît un sentiment chez une autre personne), mais elle ne comprend pas réellement ce que l’autre ressent.

 

Donc, l’empathie suppose de pouvoir compatir avec des personnes qui vivent quelque chose que vous n’avez jamais vécu.

Le problème, c’est que les personnes autistes sans retard mental peuvent donner l’impression qu’elles sont capables d’empathie. Ce n’est pas une réelle empathie : mais un phénomène égocentrique. En effet, elles ne se mettent pas à la place de l’autre, mais reconnaissent un scénario qu’elles ont vécu. Elles se raccrochent à leurs propres expériences au lieu de se mettre à la place d’autrui. Tant que l’autre ressentira la même chose que ce qu’elles ont elles-mêmes ressenti dans la situation, elles réagiront de manière appropriée et apparaîtront comme réellement empathiques. Leur manque d’empathie se fera sentir quand leur propre expérience ne collera plus du tout avec la manière dont l’autre vit pareille situation.

Elles ont en tête une véritable bibliothèque de situations (scénarios) pour lesquelles elles ont appris ce que les personnes ressentent. Quand une personne tombe, elle a mal. Quand une personne meurt, les proches sont tristes. Quand une personne remporte une récompense, elle est contente. Ici non plus, il n’est pas question de réelle empathie, mais d’un apprentissage intellectualisé.

Temple Grandin décrit comment, quand elle était jeune, elle arrivait à peine à expliquer les plus simples expressions émotionnelles. Par la suite, elle a cependant appris à déchiffrer ces sentiments sans pour autant les ressentir personnellement. Elle emmagasinait dans sa tête une vidéothèque complète pour toutes les situations : comment les personnes se sentent dans telles situations et comment elle-même doit y réagir.

Par conséquent, pour ces personnes, l’empathie est un travail acharné. Elles ont besoin de plus de temps de réflexion et de plus d’informations. À cet égard, on peut donc dire que les personnes autistes méritent plus de louanges et d’admiration que les autres. Il semble que personne ne fournit autant d’efforts acharnés qu’elles pour se mettre à la place des autres.

Il serait donc aussi injuste de reprocher à une personne autiste de ne pas faire assez attention à ce que vivent les autres que de reprocher à un aveugle de ne pas voir.

D’autant que, au manque d’empathie vient se rajouter le manque d’intuition.

Forts de ces observations, qui ne rendent pas compte de l’entièreté de la complexité qui entoure l’autisme, mais qui tout au moins en évoque les grandes, lignes… que faisons-nous ?

Après avoir évoqué, tant d’un point de vue physique que psychologique, tout ce qui rend si compliquée et parfois si douloureuse la vie d’une personne autiste au sein d’une société de plus en plus normée, que faisons-nous pour vivre à leur côté et surtout, pour les aider à vivre parmi nous ?

Quels sont les postures, les remarques, les solutions, et les outils à notre disposition pour compenser leurs fragilités et mettre en avant leurs forces ?

 

– La bienveillance ? Elle est essentielle, mais ne suffit pas, et même parfois, lorsqu’elle provoque des démonstrations affectives trop envahissantes, cette bienveillance angoisse plus qu’elle ne rassure.

– L’attention alors ? Elle ne suffit pas non, même si elle est primordiale. Car on a beau être attentif, lorsqu’on ne comprend pas, lorsqu’on ne saisit pas la nature, la raison, la force des comportements des autistes qui ne sont pas juste des réactions sans raison, mais à l’inverse des expressions de leur mal-être, alors on est impuissant, incapable d’agir et de soutenir, et cette impuissante ajoute une angoisse supplémentaire.

– Alors, c’est la connaissance ? Oui bien sûr, mais à elle seule, la connaissance ne suffit pas non plus. C’est un premier pas essentiel, ne serait-ce que pour sortir l’autiste de sa solitude et nous engager sur un chemin commun. Mais, savoir et ne pas savoir qu’en faire, c’est peut-être ce qu’il y a de plus douloureux, pour eux, et pour nous.

 

En vérité, notre rôle, c’est d’additionner ces trois notions indispensables. Bienveillance, attention et connaissance et de rajouter une pincée de courage, d’inventivité, et bien sûr, de confiance.

C’est avec toutes ces notions qu’on pourra être en mesure de proposer, d’inventer, de fabriquer et de soumettre des solutions.

Savoir si cette personne autiste est hyperacousique, par exemple, sera fondamental pour nous aider à comprendre pourquoi elle se bouche les oreilles en permanence, et c’est en étant attentif à elle qu’on le remarquera… pour autant, qu’est-ce cela changera pour elle si nous ne faisons rien ! On peut, soit participer à réduire le bruit alentour, soit lui proposer des bouchons d’oreilles, soit lui permettre de détourner cet envahissement en se focalisant sur d’autres stimuli… la liste est longue, voire infinie des solutions à proposer et il est capital de ne pas la réduire à une simple notion d’outils parce que très vite on ne s’occupera plus de cette personne, mais de ce problème : l’hyperacousie. Or, l’hyperacousie de l’un n’est pas l’hyperacousie de l’autre ! et même, l’hyperacousie de cette personne le lundi ne sera peut-être pas la même que le mardi ou la semaine suivante !

Il est donc capital de ne pas s’imaginer avoir trouvé LA solution… mais d’être en constante recherche de compréhension, d’inventions, d’une inaltérable écoute bienveillante. 

 

Et je veux conclure mes propos en rapportant une phrase de mon fils Théo en réponse à une personne qui venait de lui demander ce que ça lui faisait d’être un enfant autiste et s’il aurait préféré ne pas l’être.

Au lieu de se démonter, Théo a répondu.

– Je ne peux pas vous dire, car je ne sais pas ce que c’est : ne pas être autiste.

Et, après quelques secondes de réflexion, il a rajouté :

- D’ailleurs, je n’ai jamais bien compris ce que c’était : être autiste. Je suis moi. C’est tout.

LES OUTILS

QU’EST-CE QUE L’AUTISME