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Rencontre avec
Valérie Gay-Corajoud
par Claire Le Poitevin
Valérie Gay-Corajoud a témoigné lors du colloque "Affinity Therapy" du trajet et des inventions de son fils Théo, en particulier son affinité pour Kirikou. Écrivain et peintre comme elle l’indique sur son blog Médiapart. Valérie Gay-Corajoud a écrit un livre « Autre-Chose dans la vie de Théo » pour lequel elle recherche actuellement un éditeur, qui vise à faire comprendre aux enfants et aux adultes le monde de l’autiste. Une invitation à entrer dans le monde de son fils, par l’entremise de son premier objet, narrateur : un T-Rex que Théo nomma « Autre-Chose ».
Une rencontre pudique, toute en délicatesse, avec les inventions de Théo et les trouvailles de sa mère pour les soutenir, les décoder au quotidien. En effet, elle n’a jamais cédé sur son désir de se laisser enseigner par son fils sur la façon d’entrer en lien avec lui. Valérie Gay-Corajoud est membre de l’association de parents la MàO, La Main à l’Oreille et de l’association Améthyste.
Présentation de Valérie Gay-Corajoud
par Bénédicte Turcato
Interview par Claire Le Poitevin
pour le Courtil en lignes n° 17
Octobre 2015
Courtil en ligneS : Vous êtes intervenue hier au colloque en tant que mère d'un enfant autiste. Dans l'après-coup de ce colloque, qu'est ce que vous en tirez ?
Valérie Gay-Corajoud : J'en retire avant tout beaucoup d'espoir et j'ai également le sentiment apaisant de sortir de ma solitude. Enfin les querelles entre psys et parents vont pouvoir cesser car l'Affinity Therapy va permettre à tous de travailler main dans la main. Les psys, les universitaires, les parents, les associations, les chercheurs et cela, dans l'intérêt de l'enfant. D'un point de vue plus personnel, je suis très heureuse de faire partie de ce mouvement en marche. C'est très important pour moi, et pour mon fils.
Courtil en ligneS : Ce qui n'était pas le cas avant.
Valérie Gay-Corajoud : Avant, j'avais le sentiment d'être isolée, d'être jugée. Il est vrai que je suis personnellement très en colère contre les comportementalistes ABA qui m'ont fait beaucoup de mal à l'époque de l'émergence de l'autisme de mon fils. Heureusement, tous les comportementalistes ne sont pas aussi intégristes.
Mes amis ne comprenaient pas pourquoi je restais en colère, considérant que puisque je m'en sortais bien avec mon fils, je n'avais plus de raison de me méfier d'eux. Mais toutes ces années à me battre seule, sans soutiens, sans pouvoir m'appuyer sur les compétences professionnelles pour me seconder, c'était dur.
Avec l'affinity therapy j'ai le sentiment d'avoir trouvé mon école de pensée, d'appartenir à un groupe, à un mouvement. Non seulement mon fils et moi allons être soutenus, mais je vais pouvoir à mon tour aider d'autres parents, d'autres enfants à évoluer sans violence et sans heurts à travers leurs affinités. J'aime cette idée de partage.
Courtil en ligneS : Cela vient nommer quelque chose que vous faisiez déjà ?
Valérie Gay-Corajoud : Tout à fait ! C'est ce que j'ai mis en place avec Théo, par instinct.
Il est arrivé un temps où il a fallu prendre des décisions quant à Théo car je ne trouvais aucune aide extérieur qui me convenait.
Alors j'ai décidé d'arrêter de travailler pour m'occuper de lui à plein temps, et j'ai pris aussi le parti de ne pas écouter les conseils des comportementalistes qui à l'époque envahissaient le Net. Je n'arrivais pas à concevoir qu'il fallait que j'aborde l'éducation de mon fils par le biais de son comportement. Non, ce qui comptait pour moi c'était de partir à sa rencontre, de découvrir qui il était.
Alors je l'ai regardé, je l'ai écouté et je l'ai suivi pour le meilleur et pour le pire. Je suis entrée dans son monde et petit à petit, je lui ai donné les armes nécessaires pour rejoindre le nôtre. Mais pour cela, avant tout, il fallait lui donner envie de le rejoindre.
Jamais je n'ai regretté d'avoir fait ce choix, même s'il m'a en quelque sorte enfermée dans la solitude durant plus de 9 ans. Aujourd'hui Théo va bien, il a rejoint une école, il a des projets d'avenir, il voudrait être architecte et voudrait avoir des enfants.
Durant ces deux jours de colloques, j'ai entendu des mots qui rendaient lisible ce que j'avais fait d'instinct toutes ces années avec Théo.
C'est comme si on avait théorisé, et validé mes choix. Je me sens rassurée… et confiante".