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Dinna Fash Sassenach - Outlander
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La Main à l'Oreille

Dans le cadre de leur formation, on m'a demandé d'intervenir auprès d’une quarantaine d'AVS afin de leur parler de l'autisme. 

Cela fait plusieurs jours que je me demandais comment introduire cette intervention, sachant que je voulais avant toute autre chose, faire passer ce message de l'absolue nécessité de bien comprendre la différence de compréhension de l'enfant autiste qui est bien trop souvent soupçonné de mauvaise volonté, de mauvais caractère, de mauvais comportement.

Je voudrais tant participer à faire évoluer cette pensée ! Et aider les personnes qui sont en première ligne... les maîtresses, les AVS... qui font un travail si difficile, si important.

Journal d'un 

enfant autiste  

L'enfant étranger 

Alors j'ai écrit ce petit texte, avec l'espoir qu'elles puissent plus facilement se représenter ce que vivent bien des enfants autistes, intégrés à la va-vite dans des classes surchargées et bruyantes, sans personne pour comprendre leur désarroi. 

 
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Imaginez être accidentellement parachuté dans une peuplade étrangère. 

Vous voici immergé bien malgré vous dans un autre langage, d’autres habitudes, d’autres attitudes, d’autres codes sociaux et bien sûr, d’autres comportements. 

En soit, cela n’aurait rien d’insurmontable ! Passé le moment de la stupeur, il suffirait de prendre le temps de comprendre comment fonctionne cette peuplade, en groupe et individuellement. 

Avec l’aide des autochtones, on s’adapterait au fil des jours, apprenant de nos erreurs, nous nourrissant de nos victoires. 

A coup sûr, non seulement on finirait par devenir l’un dès leur mais on aurait même l’occasion de leur faire profiter de nos particularités ! nourrissant ainsi le groupe, participant à faire évoluer la peuplade vers des comportements pluriels ! 

Est-ce utopique d’attendre de la part de cette peuplade le soutien nécessaire à cette adaptation ? A leur compréhension quant à nos difficultés ? Leur bienveillance, leur confiance ? 

Il me semble en tous les cas que c’est ce qu’il est raisonnable d’attendre d’eux si leur but est notre intégration ! 

Il est bien évident que si, à chaque erreur de notre part nous étions grondé, isolé, jugé… nous ne mettrions pas longtemps avant de ne plus rien oser faire ! Et imaginez qu’ensuite, notre inaction née de la peur soit également jugée et punie ! Qu’on nous oblige à adopter des attitudes qui ne nous correspondent pas, sans que nous les comprenions ! Nous forçant à vivre au jour le jour avec l’impression de faire des gestes qui ne signifient rien, avec le risque que celui-ci ne soit pas le bon ! Qu’on nous parle une langue dont nous ne comprenons pas les subtilités sans que personne ne s’arrête pour nous les expliquer ! Imaginez l’enfer que ce serait. Imaginez le stress, la fatigue monumentale que cela représenterait afin de se maintenir debout parmi eux. 

 

Cette peuplade étrangère, c’est ce que nous sommes pour les enfants autistes, vous l’aurez deviné. 

Nos mimiques, nos conventions, nos attentes, nos plans, nos réactions, nos comportements. 

Tout cela leur est extrêmement difficile à décoder et rien ne se fait facilement, rien ne se fait naturellement. 

La plupart de leurs acquisitions sociales se font à la suite d’échecs, d’erreurs, de tâtonnements douloureux. 

Alors imaginez maintenant, cet enfant, seul, sans guide, sans soutien… 

Et cette peuplade qui serait une classe emplie d’enfants. 

Des enfants qui se comprennent sans problèmes puisque baignant depuis toujours dans le même langage, les mêmes codes, les mêmes attentes… 

La maîtresse, le chef de la peuplade, a à charge une trentaine d’enfants qui DOIVENT apprendre, qui DOIVENT correspondre à ce qu’on attend d’eux ! Elle a en main une « grille » bien précise de ce qu’elle doit faire avec ces enfants, parfois turbulents, parfois fragiles, parfois taquins, parfois violents… Mais qui sont déjà modelés pour s’adapter à cette grille. 

30 enfants de la peuplade… avec 30 familles qui attendent d’elle qu’elle fasse son travail… Et quelques supérieurs qui lui rajoutent une pression permanente… 

30 enfants, 30 familles, et des chefs… 

Et cet enfant étranger qui ne comprend pas pourquoi ceci, pourquoi cela… Qui a peur parce que personne ne parle sa langue, parce que s’il se trompe on le gronde, on crie, on l’isole, on le montre du doigt ! Parce que les odeurs lui font peur, que les bruits l’agressent, parce que la lumière le brûle, parce que cette voix-ci semble terrifiante et ce parfum inquiétant, parce qu’il sent qu’on attend de lui, qu’on attend de lui, qu’on attend de lui, 

Mais quoi !! 

Alors il crie pour que ça s’arrête. Pour qu’on l’écoute ! Parce que dans son langage à lui, un cri est une supplique. 

Mais ce cri apparemment, dans cette peuplade de 30 enfants, ça veut dire autre chose. Il est puni, séparé. 

Alors il se tait, il se recroqueville… parce qu’il pense qu’ainsi il ne sera plus exposé ! Il espère que ce silence marchera mieux que le bruit. 

Mais dans cette peuplade, il ne faut pas non plus se taire ni se recroqueviller… Non, ça ne se fait pas non plus. Mais personne ne lui explique pourquoi, en tous les cas, pas avec des mots qu’il connait, qu’il comprend. Rien ne rentre dans sa tête, parce que sa tête est trop occupée à gérer le bruit, l’odeur, le temps, la peur… 

Cet enfant souffre… Et on lui reproche de souffrir. 

Parce que sa souffrance, à lui, l’étranger, le fragile, celui qui a besoin d’aide plus que tout autre, dérange la tribu des bien-portants qui tend vers un but qu’il ne comprend pas, qui semble n’être pas pour lui. 

 

Alors que faire ? Qui va aider cet enfant étranger à ne plus l’être, ou à l’être le moins possible ? Qui va jeter entre lui et la peuplade, une passerelle, un mot, un sentiment, un regard, dans lequel il pourra se reconnaître ? 

Qui saura l’apaiser suffisamment ? 

 

Car il faut choisir… et choisir vraiment. 

Soit, on laisse cet enfant étranger à la tribu et on ne lui demande rien qui lui soit si difficile, si douloureux. 

Soit on tente de l’intégrer dignement, alors on commence par comprendre sa différence avant de lui demander ce travail phénoménal de se modeler à notre fonctionnement. 

Lui, l’enfant fragile, et nous la masse bruyante