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Dinna Fash Sassenach - Outlander
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La Main à l'Oreille

Lettre à monsieur Hollande à propos du 3ème plan autisme 

19 mai 2016 

  

Monsieur le Président, 

Ce n’est ni au nom d’une association, ni au nom d’un organisme professionnel de la santé qu’aujourd’hui je décide de m’adresser à vous, mais en tant que mère de 5 enfants dont le petit dernier, Théo, est diagnostiqué autiste de type Asperger. 

A l’heure des débats passionnés et des décisions à venir quant aux meilleures prises en charges possibles des personnes autistes, il me semble qu’il serait intéressant d’écouter les familles concernées… toutes les familles, et pas seulement celles qui ont signé le pacte comportementaliste, très à la mode, très mesurable et, admettons-le, très rentable. 

Je ne suis d’aucune obédience psychanalytique. Je ne suis d’aucun parti politique. Je veux me croire encore libre. Libre de choisir ce qu’il y a de mieux pour mes enfants, tous mes enfants. Théo comme les autres. Pourtant, il s’avère que c’est bien plus difficile pour lui, comme si le fait qu’il soit porteur d’un handicap m’ôtait le droit d’être complètement sa mère. Comme si j’avais des comptes à rendre à ce sujet. A qui ? je n’ai pas encore bien compris. 

Depuis l’émergence de son autisme, alors qu’il avait 2 ans, j’ai dû me battre, me battre sans cesse. Non pas contre son handicap ! Mais contre le système. Un système mal ficelé, mal conçu, mal pensé, mal géré. Un système édictant des lois emplies de failles, de brèches, de gouffres, de pièges. J’ai dû me battre pour faire valider un diagnostic, me battre pour trouver une prise en charge convenable, me battre pour garder la main sur cette prise en charge. Puis j’ai dû me battre encore pour ne pas le scolariser en dépit du bon sens, pour avoir le droit de lui faire école à la maison, n’ayant rien trouvé de convenable par le biais de l’éducation nationale. J’ai dû me battre toujours, pour lui trouver une école adaptée lorsque je ne me suis plus sentie capable de l’enseigner moi-même, déménageant pour cela à 500 kilomètres de chez moi. Et me battre surtout, en permanence, pour résister à l’envahissement du comportementalisme qui est à l’opposé de ce que je souhaite pour mon enfant, à l’opposé de ce que j’ai mis en place pour lui. Me battre pour avoir le droit de choisir ce que serait la vie de mon fils et notre vie auprès de lui. 

Aujourd’hui Théo a 12 ans. 

Il est revenu dans le langage, il a cessé les automutilations, il a quasi rattrapé son retard scolaire. C’est un adolescent plein de projets et de passions et si ce n’est une hyper sensibilité et une fragilité quant à son interaction sociale, il va bien. Il va bien et cela sans aucune prise en charge comportementale. 

Ce que j’ai mis en place est à l’opposé de ce que proposent les méthodes ABA et autres. Mais pour faire cela, j’ai dû arrêter de travailler, j’ai dû m’occuper de mon fils, seule, complètement seule. Jusqu’à ses 9 ans, âge auquel j’ai pu l’inscrire dans une école associative spécialisée qui ne pratiquait pas le comportementalisme, j’ai passé mes jours et mes nuits auprès de mon fils, car rien de ce qu’on me proposait n’était en accord avec ce que je souhaitais pour lui. Le comportementalisme était partout, s’insinuant dans l’esprit des gens, des professionnels comme des autres. Comme une évidence, comme une solution unique, comme un miracle ! Et tant pis pour ceux qui n’en voulait pas. 

J’étais jugée, menacée, isolée. 

Comprenez bien Monsieur le Président, que mon propos n’est pas de juger le comportementalisme ! Je ne m’en sens ni le droit ni les compétences, et j’ai besoin de mes forces pour d’autres combats. Mais de la même manière, je ne reconnais pas aux comportementalistes le droit de juger les autres prises en charges, quelles qu’elles soient, du moment que ce sont les choix des familles ! Pas plus que je ne reconnais ce droit à un système politique qui n’a qu’une vision restreinte d’un problème complexe et douloureux. 

Il y a aujourd’hui suffisamment de témoignages et d’exemples prouvant que de multiples prises en charges sont possibles, sont valables ! Elles n’ont pas besoin d’avoir un nom pour être ! Elles n’ont pas besoin d’être chiffrables pour être formidables. Tirer un trait sur tout ce qui n’est pas quantifiable, mesurable, étiquetable, c’est tirer un trait sur tout ce qui est différent, tout ce qui est riche, tout ce qui est humain. 

Alors je vous en prie Monsieur le Président, lors des prochaines décisions à venir… n’oubliez pas de rester du côté de l’humanité. N’oubliez pas que la différence n’est pas un vain mot. La différence n’est pas une mode, n’est pas un lobbying ! 

La différence, c’est notre richesse, passée et à venir. 

Je place ma confiance et l’avenir de mon enfant entre vos mains 

 

Valérie Gay-Corajoud