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Dinna Fash Sassenach - Outlander
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La Main à l'Oreille

7 mars 2015 

Lettre diffusée avec l'accord de Madame Myriam Cherel,  maître de conférence en psychopathologie, respondable du Groupe de Recherche Autisme et organisatrice du Colloque Affinity therapy qui s'est déroulé à Rennes les 5 et 6 mars 2015 

Lettre ouverte à Myriam Cherel 

Chère Myriam, 

  

c'est, à peine installée dans le train qui me ramène à Palavas-les-Flots, vers mon fils, que j'éprouve le besoin de vous écrire afin de vous parler de tout ce que j'ai pu ressentir à propos du Colloque sur l'Affinity therapy, avant, pendant et maintenant, quelques heures après cette "tombée du rideau" émouvante.  Ce doigt de Dieu allant avec délicatesse à la rencontre de celle de Mikey, de celle de tous nos enfants. 

Ce n'est pas rien comme symbolique ! 

Je suis, particulièrement heureuse, et fière aussi, de faire partie de ce mouvement qui se met en marche. Je le sens fortement, l'avenir s'ouvre lumineux pour les enfants autistes, pour des enfants différents. L'ère de l'inquisition comportementale est sur le point de rendre des comptes et je n'en reviens pas qu'il ait fallu tout ce temps pour le mettre à mal ! 

Je peux et je veux témoigner de la traversée du désert que furent ces années auprès de mon fils autiste, non seulement dans la solitude, mais pire encore, avec ce démon noir au-dessus de nos têtes, cherchant à se nourrir sans vergogne de ma fatigue, de mes doutes, de mes peurs afin de transformer mon fils en ce qu'il n'est pas, et même m'obliger à prendre part à ce désastre. 

Je n'ai pas cédé, car j'avais le sentiment que j'avais raison et tout autant j'avais la certitude qu'ils avaient tort. 

Le comportementalisme, c'est exactement ce que le terme générique annonce et je ne comprends pas que cela n'ait pas suffit à nourrir la méfiance des parents et du public. 

Suis-je naïve ? Est-ce cela qu'ils veulent bel et bien ? Je me refuse à le croire. 

Comme j'ai tenté de l'expliquer rapidement lors de la discussion qui a suivi mon témoignage, j'ai toujours donné la priorité à Théo. Non pas à "La place de Théo dans la société", pas plus qu'à l'idée que je pourrais me faire de Théo et encore moins l'image que la pression sociale tente de nous faire avoir de nos enfants. 

Non, ce qui m'importait plus que tout, c'était de comprendre qui était réellement Théo, au-delà de son mutisme, de ses cris, de ses pleurs, au-delà de son renfermement, de ses automutilations, de son langage réinventé. Qui est-il profondément à travers ses rêves, ses ressentis, son intimité, sa place à lui, en lui. Juste lui ? Et comment l'aider à s'y sentir à l'aise afin de s'y épanouir et donner un sens à sa vie ? 

Lors de l'émergence de l'autisme de Théo, lors de cet "effondrement" si particulier qui marque pour beaucoup l'entrée dans un monde différent, qui semble ériger un mur, ou tout au moins une porte solide entre la "normalité" et eux... Je me suis ruée sur le Net afin d'y trouver des réponses et du soutien. 

Et ce que j'y ai lu m'a effarée. 

Plus je cherchais de l'aide et plus j'entrais dans la solitude. Rien de ce qu'on me disait ne pouvais me convenir car rien ne me parlait de mon enfant. 

Sur les blogs je ne trouvais que des recettes à longueur de pages : "Comment le rendre propre", "comment le nourrir", "comment le faire dormir", "comment le contraindre" !  Et également, et cela n'a cessé de me choquer, on parlait plus des parents que des enfants : "Comment vivre avec ce poids", "comment supporter", "comment se débrouiller", "comment redevenir maîtres en leurs maisons en quelque sorte". 

Rarement, voire jamais je n'ai lu d'interrogations sur le ressenti profond de l'enfant, comme s'il n'était pas là, comme si cela, au fond, ne comptait pas vraiment. 

Lorsque je tentais de parler de nos enfants, du respect que nous devions avoir vis-à-vis de ce repli qui traduisait fatalement un malaise, une douleur, ou tout au moins une fragilité, on me rétorquait que partie de cette manière je n'arriverais à rien avec mon fils si ce n'est à nourrir sa psychose et le pousser au suicide très vite. 

Vous imaginez l'impact et les blessures que cela a pu occasionner en moi. 

Ce qui est terrible c'est que ces répliques cinglantes venaient tout autant des parents que des "professionnels comportementalistes." 

Certes, je sentais fortement derrière tout cela une structure pyramidale tenant presque de la secte et qui organisait la mainmise du comportementalisme. Les propos se ressemblaient trop pour émerger réellement de chacune des personnes vers lesquelles je me tournais.Je sentais qu'il n'y avait plus de place pour une autre interprétation, pour une autre proposition. Plus ça allait et plus j'avais le sentiment d'être l'intruse, la dangereuse, celle qu'il fallait bâillonner ou mieux, faire disparaître. 

On était loin de l'aide que j'étais venue chercher au début ! 

J'ai alors créé mon propre forum que j'ai nommé "le bistrot du coin", avec l'espoir d'apaiser les passions, proposant aux parents de s'attabler tranquillement et de parler, partager débattre, chercher ensemble. 

Naïve encore, décidément.  J'ai mis du temps à comprendre ! En vérité, j'arrivais trop tard. Quelques années plus tôt, peut-être que ma voix aurait pu être entendue au même titre que les autres, mais les années qui virent l'émergence de l'autisme de Théo étaient déjà entre les mains d'ABA et leurs soldats avaient envahi le Net, beaucoup d'associations et également certaines institutions... Jusqu'au centre de diagnostic de ma région qui nous a fait vivre un cauchemar supplémentaire. 

On m'a dit que j'étais égoïste, têtue, prétentieuse et j'en passe. Qu'il n'était pas question d'empathie avec "les autistes" que ça n'avait aucun sens puisqu'ils ne sont qu'une page  blanche à remplir. On m'a menacée de me dénoncer (à qui ?), de me retirer mon enfant (sous quelle autorité ?).On m'a bâillonnée en retirant mes interventions, en faisant disparaître mon forum, en déformant mes propos. 

Enfin, ce n'est pas à vous que je vais apprendre le pouvoir de la mauvaise foi et les dégâts qu'elle occasionne. 

J'étais cernée. Seule avec mon fils qui nous criait jour après jour qu'il avait mal et qu'il avait besoin d'aide pour être. Juste être. Alors j'ai refermé la page du Net, je me suis en quelque sorte murée avec mon fils, préférant entrer avec lui dans son monde plutôt que de prendre le risque que la "folie" extérieure vienne l'empoisonner et lui refuser sa part de vie propre. Son identité. 

J'ai douté bien sûr ! Sans cesse ! Est-ce que je faisais bien ? Est-ce que j'avais raison de m'entêter dans cette voie ? Et si je ne faisais au fond que l'isoler encore plus profondément dans son monde et moi avec, hors du mouvement général, hors de la société ? 

Mais l'apaisement de Théo, son sourire, puis son langage réinventé et son bien-être ont été les points d'ancrage dans lesquels j'ai trouvé la force de continuer sur ce chemin. Aujourd'hui j'ai la preuve du bien-fondé de ma décision ! Théo est un enfant épanoui, heureux, qui a des projets de vie qui correspondent à SES rêves ! Il est Lui… Entièrement Lui et surtout il s'aime et sait sa valeur et son importance. 

  

Pourquoi je vous écris ce courrier un peu brouillon, un peu confus ? 

Tout d'abord pour vous remercier d'être le rempart au monde de la folie comportementale et d'avoir organisé ce colloque. Je ne suis d'aucune obédience psychanalytique. Je n'ai suivi aucune formation dans ce sens et n'ai jamais éprouvé le besoin de suivre une analyse. J'ai une formation de musicienne et je suis maman. 

Mais jamais je ne me suis sentie agressée ni mise en danger par les psychothérapeutes que j'ai rencontrés pour Théo. A l'inverse  des comportementalistes qui m'ont terrifiée, puis nous ont isolés. 

En cela, entre autre chose, ces deux jours à Rennes ont été d'une importance capitale pour moi car ils nous ont sortis ma famille et moi de l'isolement en théorisant notre approche. J'avais ma place à ce colloque, comme tous les parents, les personnes autistes, les associations, et tous ceux qui voulaient que les choses évoluent plus humainement. 

Ensuite, j'ai bien conscience de cette guerre destructrice qui se déroule depuis le début entre les comportementalistes et les psychanalystes et je suis effarée à chaque fois par leurs méthodes employées afin de déformer la vérité. J'ai conscience également de la difficulté que c'est pour vous de vous défendre contre ces attaques puisque chacun de vos propos sont déformés, retournés et balancés au public comme des vérités incontournables ! 

Des pratiques que je réprouve plus que tout. 

Je pense que je peux, en tant que maman, participer à rétablir une partie de la vérité. Et de la même manière qu'il était important lors du colloque de m'entendre ainsi que tous les autres parents et associations,  je peux encore aujourd'hui joindre ma voix à la vôtre afin de dire et de prouver que loin du comportementalisme on peut aider un enfant autiste à trouver sa place au monde. 

Lors de ma discussion avec Ron Suskind, ce dernier m'a pris dans ses bras et m'a dit tout bas : 

"Théo et Owen vont changer les choses". 

Oui, c'est cela… 

Que nos enfants, heureux, vivants, emplis de leurs avenirs soient nos flambeaux. 

  

Au plaisir de vous revoir un jour et de débattre avec vous et votre équipe de la valeur des affinités particulières. 

 

 

 

Valérie Gay-Corajoud