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Dinna Fash Sassenach - Outlander
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La Main à l'Oreille

Le livre est broché, au format royal, c’est-à-dire d'une hauteur de 24 cm et d'une largeur de 16 cm et possède 280 pages. Il coûte 19,50 € auxquels il faudra rajouter les frais postaux s'élevant à 5,50€.  Soit  un total de 25 €

 

Pour commander le livre, deux solution, soit en m'écrivant à valerie.m.gay@gmail.com. Je vous communiquerai alors la marche à suivre. 

 

Soit en vous dirigeant vers le site  :  The Book-Edition pour une commande en ligne.

Le livre sera alors en format A5, c'est à dire  14,8 sur 21 pour 348 pages. 

L'ouvrage est également disponible en format EPUB. 

 

 

  

Alors que Théo, son plus jeune enfant, est diagnostiqué autiste à l'âge de deux ans, Valérie Gay-Corajoud, musicienne de formation, met un frein à sa carrière afin de s'occuper de lui à temps plein. 

Très critique au sujet des différentes méthodes proposées par les spécialistes, elle refuse de le contraindre à rejoindre une norme établie. 

Aux côtés de sa famille, Théo, enfant mutique, perdu dans le silence de son repli autistique, retrouve finalement le chemin de l'autre au fil des années et parvient à se réaliser au travers de ses affinités. 

Depuis des années, Valérie Gay-Corajoud raconte la vie de sa famille auprès de Théo par le biais de blogs, de forums, d'articles de journaux, mais également lors de colloques ou de conférences qu'elle anime en France et à l'étranger. 

Son premier livre, Autre-Chose dans la vie de Théo, destinés aux enfants et aux enseignants, a été suivi d'un film documentaire sur sa famille réalisé par Solène Caron, Le Monde de Théo, régulièrement projeté lors de rencontres professionnelles autour de l'autisme. 

Aujourd'hui, Valérie Gay-Corajoud est formatrice pour les professionnels de la prise en charge des personnes autistes. Elle milite au sein de plusieurs associations, notamment : La Main à l'Oreille, dont elle est la responsable pour la région Occitanie.  

C'est là, ce 25 décembre 2005 aux alentours de minuit, tous assis autour de la table de la cuisine que, pour la première fois, nous avons prononcé le mot "autisme" à propos de Théo 

Ce ne fut ni un choc, ni une révélation. Plutot un chemin qui s'est dessiné devant nous... un chemin impératif. 

J'ai senti les enfants reprendre pied. les yeux encore rougis par les larmes, langoisse encore visible sur leurs visages, ils cherchaient les mots auxquels se raccrocher. 

Ce petit frère dont ils avaient appris à accepter les particularités était notre lien, celui qui réunissait nos deux familles, celui qu'on avait attendu, espéré, choyé. Il était notre petit ange. Avoir vu sur lui cette souffrance quasi animale n'était pas supportable. Il fallait que nous trouvions le moyen de l'aider à dépasser cela. Nous ne pouvions plus nous voiler la face. 

Nous n'arrivions pas à aller nous coucher. Les guirlandes lumineuses nous berçaient de leurs couleurs chaleureuses, les rires et les feux d'artifice du voisinage s'insinuaient dans nos chuchotements. Noël passait sans nous. 

Cette nuit-là, un contrat tacite a été passé entre nous tous, j'en ai l'intime conviction. nous allions sortir vainqueurs, il n'était pas envisageable qu'il en soit autrement.  

17 septembre 2006 (deux ans et huit mois) 

  

  

Fin d’un week-end morose, même si tes frères et sœurs ont tout fait pour que ça se passe bien. 

Depuis plusieurs jours, tu marches sur la pointe des pieds, les mollets tendus au maximum. Au début, je croyais que c’était un jeu, mais je remarque que tu fais ça de plus en plus souvent, surtout quand tu ne vas pas bien. 

Tu ne nous parles plus du tout. Je ne sais plus depuis combien de temps aucun son n’est sorti de ta bouche, si ce n’est tes hurlements. Des hurlements qui ne nous semblent même pas destinés. 

Nous avons voulu t’emmener au vide-greniers avec nous, mais tu as hurlé du début à la fin. Nous nous sommes relayés pour te pousser, mais je t’entendais t’époumoner à l’autre bout de la place et j’avais le ventre en bouillie. 

Dans la voiture pour le retour, tu as pleuré tout du long également. L’ambiance était lourde. Chacun essayait de faire un peu d’humour… Lisa a osé une blague qui nous a bien fait rire : 

« Le prochain, tu le fais sourd et muet ! Tant qu’à choisir un handicap… » 

Osé, mais efficace. Nous avons tous bien rigolé, ce qui t’a fait hurler davantage. 

  

Je ne sais pas comment le reste de la famille vit cela. 

Moi, je souffre tellement. 

Je souffre d’impuissance. Je souffre d’inutilité. Je souffre d’inef¬ficacité. Je souffre de fatigue, de peur. 

Je souffre parce que depuis trop longtemps, ton regard glisse sur moi et que je désespère de retrouver le lien. 

Petit ange. Qu’as-tu ? 

Parle-moi. Il doit bien y avoir une autre manière de parler que les mots ! 

  

* 

  

S’il pouvait encore persister quelques doutes à propos de l’état de Théo, ils furent littéralement balayés lors de cette période parti-culièrement difficile, pour lui et pour toute la famille. 

Alors que j’écris ces mots, je me plonge dans les albums photo de ces années-là afin de raviver ma mémoire, et je réalise à quel point ce temps fut empli de paradoxes. Jamais Théo n’avait été à ce point prisonnier de son autisme, et pourtant, jamais je n’avais été si proche de lui. J’ai fini par comprendre que j’étais moi-même entrée dans son monde autistique. Puisqu’il ne pouvait nous rejoindre, j’allais faire le chemin à sa place, pour être sa mère au plus près. 

Et c’est là que s’est scindée définitivement ma posture vis-à-vis de ce qui était partout préconisé en France. Le conflit ouvert avec les comportementalistes était épuisant, et je ne savais plus vers qui me tourner pour faire entendre mon autre façon de concevoir la vie auprès de mon enfant. 

Je n’avais aucun doute sur ce qu’il fallait faire avec Théo. Je ne cherchais plus à le sortir de son état à tout prix, je voulais seulement le protéger. 

L’avoir rejoint dans son univers m’a fait comprendre que ce n’était pas de lui-même qu’il avait besoin d’être protégé, mais de la fureur du monde, de son allure trop rapide, de son bruit, de son odeur, de son envahissement. 

On classe l’autisme dans la catégorie des troubles envahissants du développement. Je ne suis pas médecin et je ne connais pas les raisons médicales ou génétiques de l’autisme. Mais j’ai constaté, dans le cas de mon fils, que ses troubles étaient accentués par le monde extérieur. De son point de vue, et du mien dès lors que je me plaçais de son côté, le monde extérieur devenait non pas un but à atteindre, mais une source de stress dont il fallait tout d’abord se prémunir avant de prétendre en faire partie. 

C’est pourquoi il fut si difficile d’entreprendre le chemin vers le diagnostic. 

Cette démarche constituait en quelque sorte un double mouvement contradictoire qui, d’un côté, me poussait à protéger Théo du stress extérieur et de l’autre, m’obligeait à l’y confronter afin de valider l’existence d’un handicap censé le définir. 

Je n’avais pas encore ce courage que j’ai eu par la suite, de réellement claquer la porte du système. Je pensais, et je pense encore, qu’il était néfaste pour Théo de n’être élevé qu’au sein de sa famille et qu’il lui fallait le choix, la pluralité, les expériences diverses, et je croyais à l’époque que sans le diagnostic, rien de tout cela ne serait possible. 

Et puis j’étais fatiguée, et je me sentais vieille. J’imaginais qu’à tout moment, il pourrait m’arriver quelque chose qui m’oblige à passer le relais. Je pensais à la mort, la mienne. Qu’adviendrait-il de mon fils, alors ? 

Je tendais la main à droite pour maintenir mon fils dans un monde à sa portée et je tendais la main à gauche pour ne pas lâcher un système supposé être en mesure de me seconder. 

Durant plus d’une année, j’ai été ainsi écartelée. 

Il était capital pour moi que le père de Théo se charge de tout ce qui était législatif et administratif. Nous avions implicitement divisé nos forces afin d’être plus efficaces, même si je présume que cela a participé à diviser notre couple au fil des années. 

  

Autre bouleversement dans notre vie, Lisa s’installait à Grenoble pour y poursuivre ses études. La fratrie si liée, si fondamentale pour notre équilibre à tous, s’effritait, se dissolvait. Grenoble, ce n’était pas si loin, bien sûr ! Et elle pourrait venir nous rendre visite le week-end, et nous irions la voir dès que possible. Mais ce départ représentait un arrachement. 

Je pleurais dans ma chambre, je savais que l’année suivante, Fanny partirait à son tour. Alexandre me manquait déjà terriblement. Mon cœur de maman saignait. J’aimais tellement avoir mes enfants auprès de moi. 

Pour Théo, ce fut un terrible choc. Le départ de sa sœur déclencha chez lui d’incessantes colères. Il refusa de manger, de bouger. Il resta pendant quelques mois très perturbé et ne supporta plus que qui que ce soit quitte la maison. 

Plus que jamais, je pris conscience de sa fragilité. 

Prologue 

 

 

 

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai écrit. Journaux intimes, lettres, nouvelles, romans, témoignages… Les mots prenaient vie en moi avant de prendre leur envol, peu importait la forme, ou la raison. 

Je griffonnais sur des feuilles ou des carnets, des bouts de serviettes en papier, des dos de chèques barrés, des tickets de train, sur mon bras parfois quand il y avait urgence. 

Certains de ces mots étaient destinés à être lus. D’autres ne prenaient forme que pour libérer ma pensée : écrits, oubliés, jetés… Quelle importance, puisqu’ils avaient été posés. En cela, ils avaient joué leur rôle. 

Lorsque j’ai eu des enfants, j’ai éprouvé le besoin de leur écrire des lettres. Quelques petits mots pleins de tout mon amour et de mon espérance. Au fil de mes déménagements, j’ai perdu la plupart de ces lettres et j’ai jeté les autres, car tout ce qu’elles contenaient avait été dit depuis longtemps. Famille de bavards, nous avions croisé nos mots, eux et moi, de toutes les manières possibles. 

Et puis est né Théo, autiste dès sa première heure, qui d’emblée m’a rejetée. Mon corps, ma chaleur, ma voix… rien de ce qui venait de moi ne semblait lui plaire et pourtant, j’avais tant à lui dire ! 

Plus que jamais, les mots en moi se sont bousculés. 

Depuis son premier jour jusqu’à ses neuf ans, je lui ai écrit. Des mots pour compenser ceux qu’il ne pouvait pas entendre, afin de faire le lien entre mon cœur et ma tête, entre son corps et le mien. Des mots pour remplacer les siens qu’il ne voulait plus dire. Des mots pour tenir, jour après jour, lâcher du lest, et aborder d’autres lendemains. 

Au fil des semaines, des mois, des années, j’ai éprouvé ce besoin constant de lui raconter ce que je vivais à ses côtés, pour dire, témoigner, laisser des traces… me rassurer peut-être. Me donner l’illusion que c’était bien moi qui détenais la clé de notre vie parfois si compliquée. 

Maintes fois, j’ai oublié mon carnet au fond d’un tiroir ou d’un carton, laissant les jours filer sans que je m’y étale… mais chaque fois, je le retrouvais et noircissais de nouvelles pages, collant quelques photos, griffonnant quelques dessins. 

Ces lettres, introductives des chapitres de ce livre, seront comme une main pour nous guider dans l’entrelacs de nos souvenirs. 

Des mots adressés à Théo qui deviennent des mots destinés à tous, pour jeter une passerelle entre lui et moi, entre vous et nous. 

Pour m’aider à raconter nos vies entremêlées. 

14 janvier 2009 (cinq ans) 

  

  

Déjà cinq ans. Théo n’était plus un bébé depuis longtemps, pourtant il portait des couches, il buvait au biberon, il semblait ne pas réaliser que nous avions une vie en dehors de la sienne. 

Malgré tous ses progrès, et il y en avait beaucoup, Théo restait en décalage avec les enfants de son âge. Mais parfois il faisait illusion. Beaucoup plus calme, plus policé, plus adaptable, nous pouvions dorénavant faire les courses avec lui sans avoir peur de le perdre au bout de cinq minutes ni qu’il se roule par terre à la moindre contrariété. Nous pouvions aller chez des amis sans être en permanence debout pour gérer ses incessantes difficultés d’adaptation ni repartir avant tout le monde, trop épuisés pour profiter de la soirée. 

  

A la maison, les rituels jouaient leur rôle à la perfection, et nous avions appris à désamorcer les crises d’angoisses. Les repas tenaient compte de ses goûts restreints. Les horaires étaient adaptés à ses besoins. Nous avions construit notre vie autour de lui. Il était en confiance. 

Nous ne mettions la pression sur rien, ni sur ses phobies, ni sur sa propreté, ni sur ses replis successifs, ni sur son retard d’apprentissage. Théo allait à son rythme, c’était ainsi que nous avions organisé sa vie et la nôtre par rebond. C’était ainsi qu’il avait si bien évolué. Nous étions attentifs à ce qui pouvait l’éveiller et mettions tout en place pour aller dans ce sens avec lui. Alors bien sûr, les gens s’en sont mêlés. 

Ceux qui avaient passé leur chemin à l’époque où Théo était ingérable, venaient maintenant prendre de nos nouvelles au détour d’une rencontre à la boulangerie ou au tabac du village. 

- Qu’il est beau ! me disait-on comme s’il s’était agit de mon chien de compagnie… Il ne va pas à l’école ? 

- Non pas encore. 

- Ah bon ? Mais pourquoi ? Il est grand pourtant ! 

- Il est handicapé madame… autiste. Il ne peut pas aller à l’école. 

- Ah bon ! Autiste ! Mais non voyons ! Il va bien cet enfant ! Il est si mignon ! 

Ou toute autre variation du genre nous ramenant toujours à la même question : Êtes-vous sûre qu’il est handicapé ? En tous les cas, ça ne se voit pas. 

Alors que quelques temps encore auparavant j’étais la mauvaise mère qui ne savait pas tenir son enfant, puis la pauvre mère qui avait un enfant autiste, voilà que je devenais la méchante mère qui n’envoyait pas son enfant à l’école et qui lui inventait un souci que d’évidence il n’avait pas. 

Quand j’avais la force d’argumenter, j’expliquais ce qu’étais l’autisme de Théo : le retard de langage, la difficulté d’interaction, les hyper-sensibilités diverses qui lui rendaient douloureux le contact avec les autres. Avec un peu de chance, Théo avait un comportement étrange et faisait tournoyer ses mains en s’accompagnant de ses éternels bruits de bouche, Han ! han ! han ! Et moi je souriais, me souvenant à quel point j’avais pu détester cela auparavant et comme aujourd’hui j’étais soulagée qu’il nous en fasse des bien sonores. 

Et puis les gens voulaient lui parler, mais il détournait la tête, s’en allait au loin, tripotait son jouet du moment ou regardait la lumière à travers la vitrine. Allait-on me dire maintenant que je l’avais mal éduqué ? 

Une voisine, au demeurant charmante et qui connaissait Théo depuis sa naissance, venait de me dire au détour d’une rue : 

- Et bien tu vois qu’il parle cet enfant ! Je t’avais dit que tu te faisais du souci pour rien ! 

Je m’entendais répondre : Oui oui, il progresse bien ! Alors que j’avais envie de faire la liste de tout ce qui n’allait pas et de la lui jeter à la figure. 

Mais pourquoi ? Pourquoi définir à mon tour Théo en fonction de ses comportements particuliers ? Allais-je devoir, par réaction, le présenter non pas comme l’enfant qu’il était, mais comme celui qu’il n’était pas ? C’était à en perdre la tête. Si je le gardais à l’abri du monde, au creux de notre famille, je lui ôtais tout espoir de trouver sa place dans la société. Si je le sortais avec moi, alors on me renvoyait sa différence, dans ce qu’il n’était pas, dans ce qu’il ne faisait pas. 

Il n’allait pas à l’école, il n’était pas conforme. Je le tenais éloigné du monde. Je lui confisquais ses chances d’avenir. 

Mauvaise mère, encore, toujours. Pourquoi est-ce que ça me bouleversait de la sorte ? 

  

Je sentais une nouvelle menace, plus dangereuse que toutes celles rencontrées jusqu’alors. Une menace qui nous englobait Théo et moi. Et de nouveau je n’osais plus sortir. 

23 février 2004 (cinq semaines) 

 

  

Ton papa a repris le chemin du travail, et tes frères et sœurs celui de l’école, après un week-end infernal : tu n’as fait que pleurer et t’énerver. 

C’est terrible de constater à quel point je suis impuissante à t’apaiser. 

Harold a eu plus de chance que moi, il a réussi à te faire un peu sourire, mais si peu, en vérité. 

Je sens qu’ils commencent à s’inquiéter aussi. Je pensais que ça me ferait du bien de n’être plus la seule à me faire du souci. En vérité, c’est l’inverse, cela me terrifie. 

Ton père et moi parlons beaucoup le soir, lorsque le reste de la famille est couché. Nous tentons de nous rassurer, mais je sens bien que nous sommes aussi inquiets l’un que l’autre. 

Que t’arrive-t-il, mon cœur ? Où restes-tu ? 

  

* 

  

D’ordinaire si dynamique et si pleine d’énergie, je me surprenais à rester des heures à ne plus rien faire d’autre que regarder mon fils. 

Ma famille me croyait fatiguée, mais ce n’était pas cela. Je m’étais remise physiquement depuis mon retour de la maternité. Non, il s’agissait d’autre chose. Quelque chose que je ne pouvais pas évoquer, dont j’arrivais à peine à parler avec moi-même. 

Nous venions d’emménager dans une très vieille maison au fin fond de la Savoie, au pied d’une montagne qui paraissait, certains jours, vouloir nous étouffer. Les murs en pierre de quarante centimètres de large ne parvenaient pas à nous protéger du froid hivernal et j’avais parfois la sensation de n’être plus qu’un bloc frissonnant de douleur. 

Que je ne puisse pas câliner mon fils devenait alors une obsession. Le manque de sa peau, de sa douceur, de sa chaleur devenait au fil des jours presque douloureux, et je cherchais dans son regard une cause que j’aurais pu comprendre. Une cause qui m’aurait permis de chercher une solution. 

Mais je n’ai rien lu. Rien. 

Je voyais un bébé, mon bébé… beau comme un astre, mais qui nous tenait à distance par la seule force de sa volonté. 

Depuis le tout début de sa vie avec nous, j’ai pris l’habitude de le regarder. Je crois en vérité que durant plus de neuf années, je n’ai fait que ça. Le regarder, afin de comprendre son monde. 

Peut-être voulais-je trouver un moyen d’y être invitée, à défaut de parvenir à lui donner envie de nous rejoindre. 

  

La vie continuait à la maison. Nous avions entrepris des travaux de rénovation et ce n’était pas une mince affaire. 

Mes grands enfants, tendres et attentifs, m’entouraient de leur amour et tâchaient d’apprivoiser ce petit frère un peu difficile. J’entendais leurs commentaires sur le bleu de ses yeux, sur son front bombé, la petitesse de ses doigts. Ses sœurs ne tarissaient pas d’éloges à son sujet et ça me faisait sourire. 

C’est vrai qu’il était beau. 

Ses yeux me captivaient au plus haut point, même s’ils refusaient obstinément de se fixer sur moi. Je savais que les petits bébés sont presque aveugles et qu’ils ne peuvent nous voir que si nous sommes très près. Mais Théo n’aimait pas qu’on s’approche trop près. Alors j’attendais. Je faisais les gestes qu’il faut faire avec son enfant, le changer, le laver, le nourrir. Je faisais cela consciencieusement, avec un amour infini. 

Mais une petite partie de moi, que personne ne voyait… une partie de moi n’était pas là. Elle était juste derrière, un peu au-dessus, penchée sur nous deux, le fils et la mère. Elle cherchait ce qui clochait ainsi, ce petit détail qui n’allait pas, ce petit quelque chose en moins… ou en plus. Ce grain de sable, têtu, qui griffait mon cœur jusqu’à le faire saigner de l’intérieur. 

Devant tout le monde, je souriais, alors que mon âme était en pleurs. 

Extraits  

Illustrations inclues dans le livre 

Qu'il marche sur la pointe des pieds, qu'il lève les mains bien haut ou se recroqueville sur lui-même, les attitudes de Théo nous parlent et nous aident à adopter la meilleure réponse possible face à ses angoisses

Lorsque l'angoisse est trop forte, Théo se réfugie derrière ses alignement ou derrière sa caméra, au fond d'un carton

La caméra permet de mieux contôler l'espace qui s'étale à l'infini

Au fond de l'eau, Théo est sécurisé par la pression sur son corps. Il entend le son de sa respiration et n'est dérangé par aucun bruit, aucune odeur.

Avec ses soeurs, Fanny et Lisa, Théo peut supporter une certaine proximité. Mais il faut prendre garde à ne le toucher que par-dessus ses vêtements ou à l'aide d'un objet. 

Théo et son frère Harold témoignent de leur histoire lors d'une rencontre organisée par l'association La Main à l'Oreille pour la journée de l'autisme 2017 

A Lyon, lors d'une visite chez son frère aîné, Alexandre. Théo, loin de tous ses jeux et rituels habituels, se montre ici de très bonne humeur. Il aime que son frère aîné soit fier de lui. 

Lors d'un été merveilleux à Palavas. Nous étions à la gare en partance pour Paris. Depuis notre arrivée dans le Sud, Théo et moi avons eu l'occasion de beaucoup voyager, en train ou en voiture, pour témoigner au sujet de l'autisme. Cela a contribué à nous rendre complice.